Albertine SARRAZIN, De la prison à la gloire littéraire

Albertine Sarrazin est morte un lundi matin de l’année 1967 à Montpellier. Elle n’avait que trente ans. On venait de lui diagnostiquer une tuberculose rénale. C’est au cours de l’ablation de ce rein malade qu’elle succombera à une embolie.

 

Un destin foudroyant pour celle qui avait pourtant réussi à échapper à un engrenage fatal. C’est à sa plume que la jeune femme devra sa rédemption, à ce don qu’elle avait de retenir les mots, relater les histoires de sa vie, sur un ton bien à elle. Une vie romantique, romanesque, et que cette mort si jeune parachève.

 

L’enfance avait été difficile, marquée par les alternances de chance et de mauvais sort. Née à Alger, elle est tirée de l’Assistance publique par une adoption à l’âge de deux ans. À dix ans, elle est la victime d’un viol. La famille emménage en France, à Aix-en-Provence. Les parents sont âgés. L’enfant, bien que brillante, est butée et fugueuse. Elle est envoyée de force à la prison pour mineurs du Bon Pasteur à Marseille. En 1953, elle s’enfuit à Paris. Elle se prostitue, chaparde, tente un hold up qui tourne mal. Ses parents finiront par révoquer leur adoption plénière. Elle est envoyée à la prison de Fresnes et est condamnée à une peine de sept ans.

 

En 1956, on la transfère à la prison-école de la Citadelle de Doullens, dans la Somme. Le 19 avril 1957, elle s’évade en sautant d’une tour de dix mètres.

 

Sur le bord de la route, le pied cassé, elle est secourue par un petit malfrat, Julien Sarrazin. Bien que parsemée de larcins, de récidives, et de très nombreux emprisonnements, c’est une incroyable histoire d’amour qui les unit. C’est même entre deux gendarmes, le 7 février 1959, que les deux jeunes amants se marient à la mairie du 10arrondissement de Paris. Albertine a tout juste 21 ans. En janvier 1964, elle s’installe à Alès pour se rapprocher de Nîmes où est incarcéré Julien, et devient pigiste au Méridional. Prise à voler une bouteille de whisky, elle est condamnée à quatre mois de prison. C’est là qu’elle écrit Les Soleils noirs qui deviendront L’Astragale. René Bastide, le journaliste du Méridional, l’adresse aux éditions Jean-Jacques Pauvert dont il connaît le directeur littéraire, Jean-Pierre Castelnau qui, en avril 1964, accepte de publier ses deux premiers romans, L’Astragale et La Cavale. En 1966, ses livres connaissent un grand succès tant critique que populaire. Elle achève alors La Traversière, son troisième et dernier roman. Albertine et Julien s’installent aux Matelles au début de l’année 1967. Ils vivent heureux, enfin, à douze kilomètres de Montpellier, dans une vieille ferme qu’ils ont aménagée. Mais Albertine est fragilisée par l’alcool, le tabac et sa vie chaotique. Elle meurt à la clinique Saint-Roch des suites d’une opération du rein mal préparée. Une affaire, ajoutée à d’autres, qui incitera fortement les autorités sanitaires à modifier les règlements concernant l’anesthésie et les procédures pré et post-opératoires. Le succès, Albertine le devra à sa façon de dire des choses vraies. Extrêmement prolifique durant ses périodes d’incarcération, elle laisse une œuvre mûre, vivante, et instinctive.