Aurélia Frantz, artiste

Si beaucoup la connaissent pour son expertise en matière de design graphique, peu connaissent son lien étroit avec le 8e art. La créatrice de l’agence Ora Design est aussi une photographe de talent dont la série intitulée Le Phénix est désormais disponible à la vente chez YellowKorner Montpellier. Rencontre avec une femme complexe qui ne laisse personne indifférent.

 

Emma : Photographe, directrice artistique, femme, mère… mais qui êtes-vous ?

Aurélia Frantz : Je suis tout cela à la fois ! Chaque côté de ma personnalité vient compléter et nourrir les autres. La femme est envahie de doutes, réservée et paradoxalement directive, extravagante et charmeuse. La photographe et la directrice artistique ont une vision très précise des choses. La mère fait comme elle peut avec ses deux adolescents, en essayant d’être à la fois douce, ferme, à l’écoute et exigeante. Je suis une hyperactive hypersensible.

 

Nous sommes curieux de connaître votre parcours…

Enfant j’étais très réservée, plutôt spectatrice qu’actrice. Je dessinais beaucoup. Je confectionnais des vêtements et accessoires mais aussi des collages avec tous les magazines féminins que je trouvais. Les murs de ma chambre étaient recouverts de montages photos. Je ne me sentais pas à ma place dans l’enseignement classique. Cela ne m’intéressait pas spécialement. À la fin de la troisième, j’ai intégré une école d’art graphique à Paris. J’ai validé un CAP en dessin publicitaire, puis un Bac Professionnel en communication graphique et visuelle. C’est lors d’un stage en agence que j’ai découvert le métier de directeur artistique. Cela a été une véritable révélation.

 

Quel moment a-t-il été décisif ?

Mon stage de fin d’études chez 15e Avenue. Le directeur de création, Dominique Grange, m’avait confié la création d’un logo assez important à l’époque. Il avait été acheté par le client 15 000 € ! Il m’a embauchée juste après l’obtention de mon diplôme en tant que graphiste. Un an après, j’étais promue directrice artistique.

 

Quels types de clients aviez-vous ?

Des budgets comme SFR, Audition Mutualiste, Opticiens Mutualistes. Je gérais seule le budget mode Arbell, c’est là que je me suis le plus amusée. Je travaillais directement avec les photographes, j’avais déjà un goût très prononcé pour la photo d’ailleurs. Je m’occupais de la direction de casting et du choix des mannequins. C’était un plaisir de suivre tous les stades d’une campagne.

 

En 2016, vous décidez de travailler en freelance…

Oui, après dix ans d’agence à Paris et six ans à Montpellier, j’avais besoin de plus de liberté, de plus de temps pour moi pour explorer la photographie que j’avais de plus en plus envie de pratiquer.

 

Emma : Et c’est ce que vous avez fait…

Oui. J’ai suivi différentes formations notamment avec le célèbre photographe François Rousseau. Son univers me parle beaucoup, il est directeur artistique, il réalise de nombreuses campagnes de publicité. À ce moment-là, je commence à me dire que je peux moi aussi avoir une forme de légitimité dans ma démarche de passer de la « com » à la photo. J’ai vécu un déclic, et l’importance de ses mots m’a décomplexée. « Elle n’a pas la technique mais elle a l’œil. Je reconnaîtrais ses photos. ». C’est là qu’est née ma série Le Phénix  . Une femme, cadrée, coupée, entre formes graphiques et courbes féminines. Une série publiée et exposée.

 

Comment décririez-vous votre univers photographique ?

Sobre – j’aime suggérer plutôt que dévoiler, sans prétention car je ne suis pas photographe, j’ai simplement l’œil. J’aime les photos qui transpirent le vrai, les instants volés, le noir et blanc, les cadrages particuliers et un sujet qui n’est pas forcément au centre de la photographie.

Il m’est parfois difficile de m’extraire de ma vision publicitaire en voulant toujours qu’il y ait un message derrière le cliché et de me dire que la photo peut simplement être esthétique.

 

Vous photographiez quasi exclusivement des femmes et leur corps. Pourquoi ?

C’est vrai que le corps et les différentes palettes de la personnalité féminine m’inspirent beaucoup. C’est comme un message à délivrer sur les femmes vues par une femme

C’est peut-être moi que je cherche à travers ces instants capturés. Comme si elles construisaient ma personnalité au fil du temps. Elles ont toutes quelque chose à dire, c’est un moyen de libérer leur parole et la mienne.

 

Finalement, quelles sont vos sources d’inspiration ?

Les portraits de la période Fauvisme pour la vérité des expressions. Les ambiances couleurs de Mark Rothko aussi chaleureuses que froides. La photographie avant-gardiste de Man Ray et de Lee Miller avec la solarisation. Le modernisme avec l’abstraction des compositions de Mondrian. Le suprématisme axé sur les formes géométriques avec les compositions éclatées de Kasimir Malevitch. Le style Bauhaus, l’un des courants les plus influents du design moderne.

 

Qu’est-ce qu’une « bonne photo » ?

Une bonne photo, pour moi, c’est une photo qui réussit à interpeller par un cadrage, à faire naître un sentiment, à raconter une histoire. Un instant volé, une expression vraie, un accident qui fait que la photo a de la force. Une photo qui, au moment où tu déclenches, t’amène à dire, « je l’ai ».

 

Votre rêve d’artiste ?

Avoir un vrai sujet imposé, un thème, et travailler en collaboration avec des photographes, des street artistes, des architectes sur une installation photo/graphique qui aurait du sens et voir cette installation grandeur nature vivre dans différents espaces.

J’ai d’ailleurs réalisé un volume « Lumière Obscure » en utilisant la transparence du plexiglass, la profondeur des photographies imprimées directement sur le support et répétées autant de fois que possible pour avoir une dimension architecturale.

Le Numéro 1 a été commandé par François Fontès et est exposé au siège du Groupe Hugar.

 

Un mot sur votre actualité ?

L’intégralité de la série Le Phénix, en vente chez YellowKorner, sera exposée en mars au Bar à Photo de Montpellier.