02 Juil Carla Sfeir, opticienne et artiste
« Ce qu’il n’y a pas chez les autres, c’est ici qu’on le trouve ». Engagée, dans sa vie comme dans son art, Carla Sfeir est une artiste libre, une femme libérée des interdits qui, à travers les montures qu’elle dessine et façonne, tente de raconter la plus belle des histoires, celle de l’âme des personnes qu’elle reçoit.
Jeune femme, elle étudie les langues. Celle qui se rêve artiste ambitionne les Beaux-Arts. Mais les attentes familiales la poussent dans une autre direction. À la fin des années 80, guidée par une soif insatiable de liberté, elle quitte son Liban natal pour suivre des cours d’optique au lycée technique Fresnel à Paris. Pendant plus de dix ans, elle s’imprègne du marché de l’optique. Mais écœurée par la production de masse, Carla met le cap direction le Sud et s’installe à Montpellier dès 1999. Peu à peu , elle commence à réaliser ses propres dessins, ses prototypes à la main en plus de son travail. À l’époque, elle est salariée chez un opticien traditionnel qui possède un corner de créateur. C’est là qu’elle rencontre Gaëlle, la femme qui partage désormais sa vie. Et c’est elle qui lui met le pied à l’étrier en lui proposant de lui remplir une boutique de lunettes de créateur pour lui permettre de lancer ses propres créations. Le succès sera au rendez-vous. En 2004, elle ouvre son propre atelier de création. Elle y fera de l’optique « autrement ». Pour elle, la lunette est avant tout un outil d’expression personnalisé qui se doit de ressembler à celle ou celui qui la porte. Sa valeur ajoutée ? Sa passion. Elle tient à rester hors de la mouvance des modes, du design et du style. Son credo, le fait main. Ici pas d’ordinateur mais un véritable savoir-faire. Artisan d’art, elle dessine, modèle, sculpte avec une relation physique voire émotionnelle. Elle travaille des éléments naturels comme la fleur de coton – polymérisée avec des couleurs alimentaires anti-allergéniques – une matière première qui provient du Jura.
On est loin des matières pétrolières injectées cancérigènes. Ou de la lunette griffée fabriquée en Corée et estampillée « made in France » car arrivée en kit mais montée sur le territoire. Carla défend un véritable savoir-faire, un produit anti-allergénique et biodégradable qui ne nécessite pas moins de 150 étapes pour être réalisé.
Montures classiques, collections colorées à la marge, réalisations étonnantes et exubérantes, tels des masques de scène ou des lunettes artistiquement expressives, elles expriment son regard sur le monde, évoquent la tolérance, des valeurs à la fois esthétiques et humaines.
Et elles ne passent pas inaperçues. Sa clientèle est internationale et comprend de nombreuses personnalités, parmi lesquelles Gilbert Montagné, Lio, Lenny Kravitz ou encore Matthieu Chedid. Ses lunettes, produites en pièces uniques ou en séries limitées, sont vendues à travers le monde, du Canada aux États-Unis, en passant par la Belgique, la Russie ou encore l’Italie, la Finlande, Israël. Mais attention, pas question de dépasser la capacité de production créée à la main. En 2013, elle lance sa marque Coexist, une collection qui s’inspire de ses clients mais aussi des événements qui marquent l’actualité du monde. C’est un symbole pacifiste qui représente l’union des trois religions monothéistes. « Les lunettes Coexist sont celles des êtres humains libres, qui osent aimer malgré les contraintes sociales et politiques imposées par une minorité de dirigeants de notre planète. »
Toujours un peu à contre-courant, elle le reconnaît, elle a dû se « bagarrer, en faire deux fois plus en tant que femme », mais son succès nous prouve que le jeu en vaut clairement la chandelle.
On pourra tout prochainement la retrouver dans un nouveau lieu très exclusif rue de l’Ancien Courrier, destiné à une clientèle qui souhaiterait conserver son anonymat et être reçue en toute confidentialité.
www.carlaoptique.com
Texte Marie GINESTE / Photos ©Guilhem CANAL