Cette Montpelliéraine use de son sèche-cheveux et de sa brosse depuis plus de quinze ans, de shootings de mode en tête-à-tête confidentiels dans son appartement du passage Lonjon. Sa signature ? Sublimer. Son style ? Un mélange de naturel et de glamour saupoudré d’une élégante sophistication faussement spontanée.
Emma : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’exercer ce métier ?
Chloé Tabusse : J’ai toujours été attirée par les cheveux, cela a été une évidence. À l’âge de quatre ans, je voulais coiffer des stars. À six ans, j’étais décidée à devenir coiffeuse.
Quel a été votre parcours ?
J’ai effectué un apprentissage à Montpellier dans un joli salon. Mes maîtres d’apprentissage avaient aussi de très bons employés qui m’ont vraiment très bien formée. Notamment la maman de l’un de mes patrons qui était vraiment une excellente coiffeuse. J’ai obtenu mon CAP, mon BEP et mon BP en quatre ans Et puis je suis partie vivre à Paris. À vingt ans, je deviens assistante de David Mallett, l’un des plus grands coiffeurs de sa génération. Il n’est pas connu du grand public mais c’est un monsieur qui est reconnu et très respecté dans les milieux de la mode et du cinéma. Il possède deux salons sur Paris et un à New York.
C’est une nouvelle facette de votre travail que vous découvrez avec lui…
Complètement. J’ai fait beaucoup de mode avec lui, beaucoup de séances photo et de nombreuses Fashion Week. Il m’a fait travailler sur les préparatifs, les défilés et les shows. J’avais de plus la chance de coiffer les invités des défilés.
Cela devait être très stimulant !
Je découvrais toutes les prochaines tendances ! Les coiffures devaient s’harmoniser avec les vêtements que ces personnes allaient porter, et il ne s’agissait que de collections exclusives, jamais portées et donc encore jamais vues. Sans vraiment en avoir conscience, on dictait la mode du cheveu de demain ! Ces femmes étaient prises en photos, et ensuite mises en couverture de magazines !
Finalement vous choisissez de revenir à Montpellier…
Je retourne dans le salon de mon apprentissage. Très vite, je me vois confier la direction artistique du salon, une manière pour moi de pouvoir m’exprimer. J’ai aussi eu la chance de former d’autres personnes. Et c’est une réelle chance de pouvoir transmettre ce que l’on a soi-même appris, permettre à quelqu’un de trouver sa « patte ».
À quel moment décidez-vous de monter votre propre affaire ?
J’ai eu envie de retrouver l’intimité que j’avais quand j’étais sur Paris, quand j’allais dans les hôtels. J’ai alors créé mon propre concept en 2018, mon petit univers où je suis seule avec ma cliente. Si, avec la COVID, je suis un peu en standby côté mode, mon dernier défilé date de mars 2019 – en temps normal je travaille régulièrement au côté de David. En exerçant à mon compte, j’ai aussi mis en valeur la partie mariage. Je me déplace beaucoup, je ne coiffe pas de mariées en salon, je vais sur les lieux de réception. Italie, Espagne, Suisse… cela me permet de voyager en Europe.
Était-ce primordial de trouver cet équilibre ?
Le salon c’est très bien, cela me permet d’avoir un bon socle, mais je voulais vraiment autre chose pour ne pas tomber dans une routine sans fin. Le fait de sortir de ma zone de confort, de devoir coiffer à l’extérieur, sans miroir, cela me pousse à me transcender. C’est une approche complètement différente.
Qu’est-ce qui vous différencie des autres ?
Je prends le temps de connaître mes clientes. J’aime apprendre à cerner leurs défauts, leurs qualités, discuter avec elles, échanger. C’est de cette manière que je peux les mettre en valeur. Coiffer, tout le monde peut le faire, aujourd’hui chacun a accès à nos outils, donc c’est facile. Par contre, comprendre pourquoi l’on n’aime pas ses cheveux, pourquoi l’on n’apprécie pas sa couleur, sa raie sur le côté, etc. C’est à moi de venir aider, de comprendre et d’intervenir de manière à ce que ces complexes deviennent plus faciles pour la cliente.
Au niveau technique, avez-vous une approche particulière ?
Là où je me sens le plus à l’aise, c’est sur le coiffage. Les brushings, c’est ce que j’adore faire. J’y prends un vrai plaisir. Mais après je m’amuse autant avec la couleur ou la décoloration, ou encore la coupe. Avec une coupe on peut vraiment changer un visage !
Quelles sont vos inspirations ?
J’ai la chance de travailler avec la personne que j’ai le plus admirée dans ma carrière : David Mallett. Quand j’avais douze ans, je regardais déjà son travail. Après il y a d’autres grands coiffeurs comme les Sœurs Carita qui ont été importantes dans ma vision de la coiffure. Et puis il y a des femmes iconiques : Sophia Loren, Brigitte Bardot… le cinéma des années 50, 60 m’influence énormément. La mode aussi est importante pour moi, tout comme l’architecture et le design. J’aime l’insolite, les lignes, les courbes de certains objets, ce qui me permet de parfois peaufiner le look d’une cliente. Je fais en sorte que la beauté soit un tout, un environnement, une tenue et je m’attache au tomber d’une coiffure.
Quels seraient vos meilleurs conseils ?
Déjà, connaître son cheveu, le respecter, lui faire du bien, le soigner. Le sérum devrait être l’indispensable de chaque femme. Comme on a du baume à lèvres dans son sac à main, il est nécessaire d’avoir un sérum pour ses cheveux afin de sublimer sa coiffure tous les jours.
Quelles sont les tendances de ce printemps/été ?
Le carré court revient en force. La crise sanitaire a développé une envie de renouveau, et couper ses cheveux permet de créer cette rupture et de balayer le passé.
Pensez-vous qu’avec la crise sanitaire le secteur de la coiffure va connaître de profondes mutations ?
Il y a beaucoup de coiffeurs qui communiquent leurs savoirs sur les réseaux sociaux, et je trouve cela très bien de permettre au grand public de savoir utiliser un sèche-cheveux, d’en choisir judicieusement la marque afin d’éviter de brûler ses cheveux, de se procurer tels outils pour faire une queue de cheval, ou un chignon bas. Les coiffeurs partagent plus facilement leurs savoirs et je pense que cela vient du fait qu’il a fallu garder le contact avec le client durant les différents confinements.
Au sein de la nouvelle équipe artistique de la haute coiffure française, une seule femme. Côté franchises, uniquement des noms d’hommes et partout des hommes à la direction. Pourtant selon un sondage de l’observatoire Fiducial 2020, les salons types sont gérés à 80 % par des femmes. Comment se fait-il que dans un métier très féminin, il ne soit question que d’hommes médiatiquement ?
Parce que, comme dans beaucoup d’autres secteurs, les femmes mettent souvent leur carrière entre parenthèses, et qu’il faut assumer d’être mère et avoir envie d’être dans la lumière. Je me souviens d’une des premières choses que David m’ait dites lorsque je suis arrivée à Paris : « Je te préviens ça va être très compliqué, on évolue dans un milieu d’excellence où les femmes n’aiment pas les femmes, les jeunes, et les minces ». Et c’était vrai. Cela a été difficile. Mais cela m’a aussi forgé un sacré caractère ! Heureusement il y a des femmes qui passent au-dessus de tout cela ! Ne généralisons pas ! Beaucoup de femmes ont aussi du mal à se faire coiffer par des femmes et à accepter qu’on leur dise qu’elles sont belles. Elles pensent qu’entre femmes, la sincérité n’est pas forcément au cœur des relations. De mon côté j’essaie d’être la plus juste possible, je ne suis pas là pour faire plaisir, mais pour sublimer.
2, passage Lonjon, Montpellier – T. 09 73 57 32 98
www.instagram.com/chloesalondecoiffure
Propos recueillis par Marie Gineste /Photos @ Charlène Pelut