06 Juin Diane Losfelt, une vigneronne inspirante et inspirée
Ingénieure agronome, spécialisée en protection des cultures, elle a pourtant choisi d’enfiler le « costume » de vigneronne. Pas un hasard et, vu la pertinence de sa démarche et de ses vins, une sacrée bonne idée même !
Ce sont ses ancêtres qui ancrent leurs racines à L’Engarran en 1924. Le domaine étant tombé en désuétude avec les années, c’est sa mère, Francine, qui lui redonne toute sa splendeur d’antan. Véritable pionnière, elle croit dur comme fer au potentiel du château. Elle prend en charge l’exploitation, décroche un contrat avec Monoprix et réussit à vendre toute sa production. La machine est lancée. C’est juste, mais c’est suffisant. Elle ne se verse pas de salaire, mais obtient de quoi restaurer progressivement le domaine. Elle ne réside pas sur place, elle gère tout de Paris. Mais très vite, L’Engarran devient le creuset familial. Diane y passe toutes ses vacances et voit sa mère réaliser ses premiers exploits : en 1977 elle obtient sa première médaille au Concours Général Agricole, puis une deuxième l’année suivante. Au même moment, elle décide d’embouteiller 10 000 bouteilles au domaine, une petite révolution à l’époque. Mais si elle affectionne particulièrement le lieu, Diane ne projette pas de suivre les traces de sa mère. Elle sera ingénieure agronome. Elle intègre l’INRA et travaille sur la lutte biologique à Versailles. Seulement la jeune femme veut plus de responsabilités. Jeune mariée, elle vit une première grossesse et donne naissance à sa première fille. Et c’est pendant le seul congé maternité qu’elle connaîtra sur ses trois grossesses qu’elle prend la décision qui va changer le reste de sa vie.
À l’âge de 25 ans, avec le soutien indéfectible de son mari, elle rejoint sa mère à L’Engarran. En 1984, elle prend en main la partie technique et les comptes. Elle se forme, apprend, écoute à la lettre les conseils de l’œnologue et s’impose à la cave. Le succès va rapidement être au rendez-vous. Une fois que ses productions sont classées AOC, elle réalise deux ans plus tard son premier vin de Pays en bouteille avant de commercialiser son premier rosé. Elle prend la main sur la vinification et devient la première femme administratrice au sein du syndicat de l’appellation Languedoc. Et pourtant, on ne lui fait pas de cadeau.
Un manque de reconnaissance parfois difficile à supporter. Finalement, à l’aube de son 38e millésime, elle est élue vigneronne de l’année par le Guide Hachette. Une consécration méritée pour celle dont l’histoire, bien que couronnée de succès, aura aussi été jonchée d’embûches. Même encore récemment. Après la COVID, c’est le gel qui vient de frapper de plein fouet les vignerons de la région. Diane a perdu 80 % de vignes sur ses 60 hectares. Et comme elle nous le rappelle à juste titre, « Derrière les vignes, il y a des hommes et des femmes. On a perdu notre vie, on a perdu l’envie, on a perdu l’espoir. Pas de récolte en 2021 veut dire pas de vins l’année prochaine. C’est une crise qui s’étale sur les trois prochaines années. Il ne faut pas que l’on nous oublie ». Digne héritière engagée et passionnée, Diane Losfelt est une femme avec une histoire vraieque l’on a pris plaisir à écouter. Une femme à coup sûr en passe de devenir une source d’inspiration pour les générations à venir.
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Propos recueillis par Marie Gineste /Photos @ Charlène Pelut