Pierre-Émile Ramauger, Directeur du développement de Montpellier Business School

Pour ce nouveau numéro, nous sommes allées à la rencontre de Pierre-Émile Ramauger, le directeur du développement de Montpellier Business School, pour qui donner les mêmes chances aux diplômées qu’aux diplômés est une priorité absolue.

 

Emma : Pierre-Émile Ramauger, merci de nous recevoir. Racontez-nous votre parcours.

Pierre-Émile Ramauger : Je suis moi-même diplômé de Montpellier Business School. Après mes études, j’ai travaillé comme responsable financier pour Bouygues en Russie puis en Afrique australe avant d’intégrer le groupe Bolloré en Amérique. Il y a cinq ans, j’ai finalement décidé de revenir m’installer à Montpellier pour prendre la direction du développement de MBS.

 

Quel est votre rôle ?

Je supervise la partie admissions, la promotion des programmes de l’école en France mais aussi à l’étranger, la gestion des concours et de toute l’activité « entreprise » : la professionnalisation de nos étudiants, afin de leur offrir la meilleure insertion professionnelle possible, l’accompagnement des entreprises sur la partie recrutement de stagiaires, alternants et diplômés. Sans oublier la gestion de la fondation MBS qui œuvre sur les champs de la diversité, de l’ouverture et de l’égalité des chances.

 

Lutter contre les stéréotypes et les perceptions genrées des métiers et des secteurs d’activités, est-ce une priorité ? 

À MBS oui. Les indicateurs sur lesquels nous travaillons beaucoup sont la rémunération et la condition contractuelle. À la sortie des grandes écoles, les femmes gagnent environ 6 000 euros de moins que les hommes. Souvent, cela s’accompagne d’un niveau de responsabilités inférieur et d’une difficulté d’accès au contrat à durée indéterminée.

De notre côté, nous avons un engagement très fort, c’est notre vision : la diversité et l’inclusion, l’égalité des chances sont au cœur de notre politique depuis des années. En 1917, Montpellier Business School a été la première grande école française à intégrer des femmes.

Deux ans plus tard, nous avions une major de promo. En 2007, nous avons été la première grande école française à être labélisée « Diversité » par l’AFNOR.

 

Qu’est-ce que cela représente, concrètement ?

Une série d’indicateurs qui vont prouver que l’intégralité de nos activités est guidée par cette volonté de diversité : du recrutement jusqu’à la sortie de nos étudiants, sans oublier la gestion de la structure elle-même.

 

Vous disposez aussi du label « Égalité professionnelle » …

En effet. Lui s’attaque particulièrement au sujet des genres, il y a énormément de mesures qui en découlent, des référents « diversités » à l’école auprès de nos collaborateurs, mais aussi chez les étudiants. Nous dispensons des cours de Responsabilité Sociétale des Entreprises dans tous nos programmes, destinés à sensibiliser nos élèves sur ces questions. Cette notion d’égalité hommes/femmes est désormais plus ou moins imposée aux entreprises.

 

Ces différentes actions vous permettent-elles d’obtenir de meilleurs résultats ?

Nous sommes fiers de nos performances, nos résultats sont meilleurs que ceux d’autres écoles. En sortie d’études, nous avons moins de 3 000 € d’écart de salaire à l’embauche. Ce qui est plutôt significatif, puisque si on lit les chiffres à l’envers, une femme gagne 86 % de ce que gagne un homme à l’embauche, et à MBS c’est 94 %.

 

Le constat à la sortie chez MBS est plutôt positif…

Oui mais il y a encore énormément d’efforts à fournir sur la durée. Nous n’avons que deux ans pour travailler avec chaque élève sur ces questions-là finalement.

Nous réalisons de nombreuses études, menons de nombreuses recherches au travers de structures internes à l’école. L’une d’elles travaille précisément sur ces critères-là : la MIES (Management Inclusif et Engagement Sociétal), qui est pilotée par deux enseignantes chercheuses, qui sont Magalie Marais et Maryline Meyer. Ensemble, elles ont réalisé une enquête sur les stéréotypes de genre pour savoir où en étaient les étudiants de MBS. Les résultats sont frappants. Ce qui pèse sur ces indicateurs, c’est surtout la représentation que l’on se fait de soi-même. Les femmes s’autocensurent davantage par rapport à un certain nombre de métiers, soit parce qu’elles estiment que ce sont des métiers pour les hommes, ou bien parce que ces métiers requièrent des compétences qu’elles n’ont pas. Et tout cela pèse sur leur évolution professionnelle, mais aussi sur cette légitimité à aller négocier du salaire.

 

Sont-ce ces éléments-là qui empêchent le déploiement des femmes sur certaines activités ?

Tout à fait. Ce n’est pas un cliché, c’est la réalité, les femmes s’orientent beaucoup vers la communication, le marketing. Pourtant, ce n’est pas forcément parce qu’elles le souhaitent. Pourtant, aucun métier n’est fait exclusivement pour des hommes, ou pour des femmes.

 

Quelles solutions proposez-vous ?

Déjà nous abordons toutes ces questions de genres, d’inclusions dans nos enseignements. Nous donnons des conférences, organisons des tables rondes à destination de nos étudiants. Nous avons également des sujets de réflexions et de recherches. Nous sommes membres des bureaux de l’AFMD (l’Association Française des Managers de la Diversité) depuis plusieurs années comme d’autres grands groupes. Nous travaillons beaucoup sur ces questions de diversité, dans la politique d’entreprise. Nous avons créé MBS Invest pour donner les mêmes chances aux porteurs (de projets), qu’aux porteuses de projets. On en parle peu mais l’accès aux financements est également un frein au déploiement des femmes dans certaines carrières, dans le financement de leurs études et dans leur aventure entrepreneuriale. C’est un levier concret sur lequel il faut agir.

 

Vous-mêmes, êtes-vous engagé pour l’égalité homme/femme ?

Les sociétés qui se développent sont forcément des sociétés instruites, éduquées. Cela dépasse la question des genres. Rassembler des personnes qui se ressemblent, ce n’est pas le meilleur moyen d’être créatif et innovant. Je crois que c’est la diversité qui permet d’être performant. Les femmes doivent prendre part à cette diversité, et c’est aussi ce que l’on peut espérer de cette crise sanitaire, que les femmes aient pu prendre conscience qu’elles peuvent prendre la parole et être actrices des fonctionnements d’entreprises.