15 Sep Le regard de Laurent Nicollin
Pour ce deuxième numéro, le président du Montpellier Hérault Sport Club, Laurent Nicollin, a accepté de répondre à quelques questions sur l’équipe de football féminin de Montpellier. Rencontre.
Votre père, Louis Nicollin, était considéré comme un pionnier du football féminin. Dans quel contexte votre père prend-il la décision de créer cette première équipe féminine professionnelle ?
Nous avons eu une opportunité, nous l’avons saisie. Cela ne nous a pas été imposé. C’était l’occasion de dire que l’on pouvait gagner des titres, avec moins d’argent. Cela nous a permis de mettre en avant d’une part les filles, mais aussi le club. Et puis, si mon père pouvait avoir l’air un peu misogyne parfois, il aimait les femmes. C’était normal pour lui de leur tendre la main pour qu’elles aussi puissent pratiquer leur sport de manière professionnelle, au même titre que les garçons.
Vous-même vous décidez de continuer dans cette direction…
J’ai naturellement suivi le mouvement ! Pour moi, elles font partie intégrante du club. Je ne pose aucune question. La locomotive du club, ce sont les garçons mais l’équipe numéro 2, ce sont les filles ! Elles ont attaqué le championnat samedi dernier. Elles n’ont pas gagné donc je ne suis pas satisfait. Notre but est de constituer la meilleure équipe possible pour gagner des titres et essayer de rivaliser avec les plus grands.
Vous êtes le président mais aussi à l’initiative de la création de l’AFPF (Association du football professionnel féminin). Quelles sont les missions de cette organisation ?
Dans la mesure où nous n’avions pas ce que nous voulions avec la fédération, nous avons choisi de nous unir pour essayer de faire progresser le football français féminin. Nous nous battons pour que le championnat féminin de D1 soit mis beaucoup plus en avant. Les objectifs sont nombreux. Il existe des bases mais nous allons plus loin. Il faut organiser, structurer pour se rapprocher le plus possible du schéma des garçons. Il y a de nombreux chantiers à travailler, les contrats entre autres.
Médiatisation, salaires, professionnalisation… les écarts sont significatifs à tous les niveaux. Comment voyez-vous l’avenir ?
Le problème numéro 1, c’est la visibilité. Je défends le principe de « à travail égal, salaire égal ». Mais dans le football ce n’est pas possible. Il faut voir la réalité économique en face. Les garçons jouent devant 20 000 personnes, les filles devant tout au plus 300 personnes. La situation évoluera peut-être mais pour l’instant, c’est ainsi.
Notre travail n’est pas là. Nous voulons qu’elles aient de bons salaires, qu’elles progressent. Si dans trois ans nous arrivons à attirer 2 000 spectateurs, nous aurons gagné ! Mais c’est un travail de longue haleine. On sait que tout ne va pas se régler en six mois. C’est un projet sur cinq voire dix ans. Il faut poser des jalons, être patient et avancer.
Et la formation dans tout cela ?
C’est l’un de nos axes de travail. Nous essayons de mettre en place des actions, mais là encore, tant que nous n’aurons pas de statut, de contrats qui les protègent, ce sera compliqué. Les garçons, quand ils arrivent au centre, ont des contrats, ils sont protégés sur cinq ans, dix ans… En ce qui concerne les filles, c’est différent. L’année dernière, l’une de nos meilleures plus jeunes est partie à l’Olympique Lyonnais parce qu’ils pouvaient lui offrir tout cela. Encore une fois, notre seul but est de faire progresser le football féminin. Je veux simplement qu’elles puissent assouvir leur passion dans les meilleures conditions possibles.
Comment la préparation s’est-elle déroulée dans le contexte actuel ?
Cela s’est bien passé. Comme les garçons, elles ont eu deux ou trois semaines de plus, le temps de se remettre progressivement dans le bain. Elles ont bien travaillé, elles sont en forme.
Comment envisagez-vous la saison ? Quels sont vos objectifs ?
Comme à chaque fois, nous travaillons avec beaucoup d’ambition et d’envie. Mais aussi avec le secret espoir de décrocher une place européenne l’année prochaine. Nous le souhaitons ardemment.
Texte Marie GINESTE / Photos @Guilhem CANAL