29 Déc Salvador Nuñez
Chevalier de la Légion d’honneur, Salvador Nuñez est aussi le directeur de la maîtrise d’ouvrage au sein du réseau Escota de Vinci Autoroutes. Passionné, vivant, authentique, le quinquagénaire, éduqué dans le respect des autres, a répondu sans tabou à toutes nos questions. Rencontre.
Emma : Vous êtes très élégant…
Salvador Nuñez : Je refuse d’épouser les moules dans lesquels on voudrait me mettre. Je n’aime pas être habillé comme un pingouin ! (Rires) J’adore mettre des chemises colorées, porter ma veste de gardian en velours et mon béret basque.
Vous avez du caractère !
Sûrement mes origines andalouses. Je suis d’ailleurs un amoureux de férias, de corridas et de flamenco.
D’où venez-vous ?
Je suis né à Casablanca au Maroc dans une famille andalouse. À mon arrivée en France, j’ai vécu à Paris et un peu partout ensuite, selon les chantiers sur lesquels je travaillais. J’ai habité dans beaucoup d’endroits mais j’ai épousé Montpellier et sa région en 2007.
Avez-vous été surpris que l’on vous demande un entretien pour parler des femmes ?
Oui… et non ! Oui car jusqu’ici vous vous êtes adressé à des personnages publics. Moi je ne suis pas une star, je suis un homme parce que je suis venu au monde ainsi ! (Rires)
Non, parce que j’ai beaucoup à dire sur le sujet. Dans les deux cas, je suis très honoré, sincèrement, que vous ayez pensé à moi.
Pour entrer dans le vif du sujet, quelle place les femmes occupent-elles chez Vinci ?
Je ne suis pas le spécialiste des ressources humaines, mais ce que je sais c’est que chez Vinci Autoroute et ASF, cela fait des années qu’on leur donne la place qui doit être la leur.
Comment jugeriez-vous l’évolution de leur implication dans votre secteur d’activité ?
Ne tournons pas autour du pot, nous sommes dans un monde qui a été fabriqué par des hommes pour des hommes. Encore plus dans les travaux publics ! Des femmes, il y en avait encore moins qu’ailleurs. Heureusement, depuis une dizaine d’années, on les voit accéder à des postes un peu partout, même là où on ne les avait jamais vues. Conduite d’engins, aux études, direction de chantiers… j’ai vraiment pu observer un changement.
Est-ce le seul changement ?
Non, le changement le plus important, c’est le comportement des hommes. Hier j’étais sur un chantier sur lequel des femmes travaillaient. Il y a dix ou quinze ans, ils se seraient retournés sur elles, comme si c’était une bizarrerie. Aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Et vous, collaborez-vous avec des femmes ?
Évidemment ! Il y a même une espèce de légende autour de moi qui dit que je suis exclusivement entouré de femmes. Ce n’est pas complétement faux ! J’ai tendance à mieux travailler avec elles. J’apprécie leur sincérité et leur recherche de performances.
Quel regard portez-vous sur leur évolution dans l’entreprise ?
Je pense que l’on peut tout à fait parler de féminisation du métier. Il y a beaucoup de femmes sur le marché du travail, et l’égalité de salaire à compétences égales est respectée. Cependant, ce que j’observe et qui me chagrine, c’est le manque de confiance qu’elles ont en leurs capacités. Elles sont souvent très compétentes mais elles en doutent presque tout le temps. Sans faire de généralité, je pense que les mœurs ne les aident pas. Au contraire, elles sont souvent obligées de privilégier leur vie personnelle pour encourager les carrières de leurs maris au détriment de leur propre réalisation. La parité est établie dans le milieu professionnel, surtout dans des groupes comme le mien. Mais le vrai débat se trouve au sein des unités familiales.
Selon vous, les hommes ont-ils un rôle à jouer ?
Leur comportement avec les femmes et la manière dont ils élèvent leurs enfants sont des éléments déterminants pour l’avenir. En tant qu’hommes, nous devons les encourager à avoir confiance, à aller au bout de leurs ambitions. Les aider à se réaliser autrement que dans la famille. Les femmes ne sont pas sur terre pour faire le ménage ou s’occuper des enfants. Les hommes peuvent aussi le faire. C’est un bonheur de voir sa femme ou la personne que l’on aime se réaliser et s’épanouir. Aujourd’hui, tous les hommes devraient penser ainsi.
Justement, comment vous-même avez-vous abordé l’éducation de vos enfants ?
J’ai toujours encouragé mes enfants à être indépendants, autonomes et mes filles à ne dépendre de personne pour devenir des femmes accomplies. J’observe chez les jeunes garçons comme une régression. Beaucoup adoptent des comportements machistes. Cela montre bien que l’éducation est fondamentale mais qu’il y a de gros efforts à fournir de ce côté-là.
Qui sont les femmes qui vous ont servi de modèle ?
Des femmes avec du caractère. Ma grand-mère en particulier. C’est ma référence, elle m’a tout appris. À être autonome, et à ne pas compter sur une femme pour mes tâches quotidiennes. Elle m’a appris à faire la cuisine, les lessives, mon repassage… j’éprouve un profond respect pour les femmes et ce qu’elles incarnent. Je n’ai jamais attendu de ma femme qu’elle me repasse mon linge ou qu’elle fasse mon ménage. Il faut éduquer les enfants avec ces valeurs.
Le sexisme, les violences faites aux femmes… qu’en pensez-vous ?
Il suffit de lire les faits divers pour prendre peur. Certains hommes constituent un danger. Fondamentalement, ils ne respectent pas la femme. Et encore une fois c’est une question d’éducation. Et de société. Si les femmes avaient le moyen d’acquérir leur indépendance, nous n’en serions pas là. Le gouvernement, les ministères, la police doivent être plus sévères pour que tout le monde progresse dans le bon sens.
Propos recueillis par Marie Gineste /Photos @Charlène Pélut